dimanche 8 novembre 2015

L'interview vérité


 SURÉLÉVATION EN COPROPRIÉTÉ, OU EN SOMMES-NOUS ?


Nous avons interrogé Stella Haumont, Responsable juridique de l'Agence Malbrand architectures sur les surélévations et les freins qui subsistent encore.

LE BLOG. Pourriez-vous nous dresser un constat de la surélévation en copropriété?

Stella HAUMONT. Nous rencontrons de nombreux porteurs de projets qui ont une vision fantasmagorique de la surélévation.

Il est vrai que la surélévation est un formidable moyen de densifier nos villes mais elle n'en demeure pas moins un parcours semé d'embûches ou plutôt d'aléas.

Or, ceux-là même qui rêvent de gagner en m² refusent souvent de supporter leur part de risque.

Je m'explique, pour être sûr qu'un immeuble est surélevable, il faut s'assurer :

- que le PLU de la ville concernée par le projet le permette, c'est l'affaire de l'architecte ;

- de son enveloppe financière ;

- que le sol sur lequel est bâti l'immeuble et l'immeuble lui-même sont après à supporter une charge supplémentaire, c'est l'affaire des ingénieurs (bureaux d'études structures et sol) ;

- des réelles côtes de l'immeuble, c'est l'affaire du géomètre-expert) ;

- de recueillir l'autorisation de la copropriété. Cette autorisation passe nécessairement par une vente du droit de surélever l'immeuble de la copropriété au porteur de projet, c'est ici que l'affaire se corse généralement. En effet, le porteur de projet devra avoir entrepris un véritable plan de communication au sein de sa copropriété, travaillé dès la phase rédactionnelle de l'ordre du jour de la future assemblée générale au cours de laquelle le projet sera voté, main dans la main avec son syndic, son conseil syndical, son notaire, son géomètre-expert et bien évidemment son architecte.

On voit qu'une opération de surélévation fait intervenir différents professionnels, à différents stades clés et requièrent donc du porteur de projet un budget de départ pour financer l'étude de faisabilité urbaine, les côtés géomètre, les études de sol et structure. Ce sont ces études qui vont garantir la réalisation de la surélévation.

C'est le capital risque que doit accepter de supporter le porteur de projet auquel cas le projet de surélévation n'est pas réalisable.

LE BLOG. Est-ce que ce capital risque est supporté facilement par le porteur de projet?

Stella HAUMONT. On se rend compte que non. Le porteur de projet rêve de s'agrandir mais ne veut pas risquer de perdre de l'argent. Il attend de l'architecte qui est en quelque sorte le chef d'orchestre du projet qu'il lui assure la faisabilité avant de sortir un centime. C'est impossible! L'architecte n'est pas magicien ne lit pas dans les boules de cristal, il ne peut donc pas prédire si une surélévation sera ou non réalisable sans études préalables. 


LE BLOG. Quelle est, selon votre expérience, la pierre d'achoppement d'un projet de surélévation?
 
Stella HAUMONT. Une fois la faisabilité urbaine validée, la phase de l'autorisation de l'autorisation de la copropriété est compliquée à maîtriser car il y a une forte part d'irrationnel qui n'existe pas dans les phases d'études.

Comment faire pour gérer au mieux cette phase Copro?

Il faut faire du lobbying, sonder les occupants de l'immeuble et leur vendre quelque chose de séduisant qui va valoriser l'immeuble, d'où l'importance du travail de l'architecte qui mettra en avant une esquisse architecturale du projet attrayante. Un projet de surélévation en copropriété doit être un deal donnant donnant. Si la copropriété a l'impression que le porteur de projet essaie de "s'enrichir" à son détriment, elle votera contre le projet.
Il vaut donc mieux être en bons termes avec ses voisins...

 
LE BLOG. Comment gérer cette partie si le porteur de projet n'est pas un grand communicant?

Stella HAUMONT. Il est conseillé dans ce cas de faire appel à un professionnel.

Notre agence propose une mission d'assistance à maitrise d'ouvrage permettant d'accompagner le porteur de projet dans sa communication, lui mettant à disposition les outils nécessaires : bilan financier pour montrer à la copropriété que les dépenses liées au projet sont plus nombreuses qu'il n'y paraît...

Le succès d'une telle opération a un coût indéniable, il faut être réaliste.

Néanmoins, le prix du m² dans l'ancien ou le neuf à Paris et la petite couronne est tel que cela reste avantageux (sous réserves que les résultats des études de sol et structure ne mettent pas en péril l'économie du projet).
 

LE BLOG. Et le budget dans tout ça?

Stella HAUMONT. Parlons en du budget.
Nous pouvons donner un prix moyen au m² du coût de la construction mais, souvent, les porteurs de projet veulent connaître le prix total de l'opération, aléas inclus.
Nous proposons à ce moment là de leur établir le bilan financier évoqué plus haut, permettant d'obtenir un estimatif du coût total de l'opération. Cela implique que le porteur de projet passe commande d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

En effet, notre mission de maîtrise d’œuvre ne se limite uniquement qu'à l'estimation d'une fourchette travaux qui sera affinée tout au long de la mission.

Le porteur de projet doit aussi faire sa part du job en nous donnant son enveloppe financière et ses besoins. Il doit définir un programme, tout comme un promoteur qui achèterait un terrain pour y bâtir une construction.


LE BLOG. Comment minimiser au maximum les pertes financières dans un tel projet?

Stella HAUMONT. On conseille souvent au porteur de projet de phaser le projet pour réduire au maximum les coûts.

Par exemple, en arrivant en assemblée générale en ayant préparé son dossier en amont avec son syndic et le conseil syndical :

- avec une esquisse architecturale du projet ;

- en demandant, lors de cette AG annuelle, un accord de principe de la copropriété qui lui permettra ensuite d'avancer sur le projet (prix de cession des droits à construire, prise en charge des frais de réécriture du règlement de copropriété, souscription d'une assurance dommage-ouvrage, etc.) ;
 
- en fixant une date pour la prochaine assemblée générale extraordinaire (AGE) qui entérinera le projet et durant laquelle l'accord de principe se transformera en autorisation.
Encore une fois, comme exposé déjà, il y a une part de risques à prendre car un accord de principe n'est pas engageant, les copropriétaires peuvent changer d'avis lors de l'AGE, il faut donc éviter de laisser passer trop de temps entre l'obtention de l'accord de principe et l'autorisation de cession de droits à construire et de réaliser les travaux.

LE BLOG. Que souhaitez-vous rajouter en conclusions?
 
Stella HAUMONT. Les indications données ici sont des grandes lignes, bien évidemment, nous nous adaptons à chaque projet car selon la taille de la copropriété et privilégions une approche personnalisé, en prenant en considération, par exemple, le travail préparatoire déjà réalisé en amont par le porteur de projet, pour définir ensemble les étapes d'avancement du projet. 
 
Nous constatons, en règle générale, qu'il y a tout de même beaucoup d'appelés mais très peu d'élus concernant la concrétisation des projets de surélévation en copropriété. En effet, le taux de transformation reste encore trop faible du fait de l'étape "autorisation de copropriété" à ne pas négliger et qui conditionne énormément la poursuite du projet.

Nous remarquons également que les syndics professionnels sont assez ignorants du processus de surélévation en copropriété pourtant prévu dans la loi de 1965 qui régit les copropriétés en France et récemment assoupli par la loi ALUR de mars 2014.

Nous participons déjà à des formations sur la surélévation destinées à un public tant de profanes que de professionnels de l'immobilier via Le Moniteur, mais ne rencontrons jamais à cette occasion de syndics. Ce qui est fort dommage car ils sont au cœur de la problématique de la surélévation en copropriété.

C'est la raison pour laquelle, notre agence souhaite s'orienter vers des modules de formation sur la surélévation spécifiquement destinés aux syndics professionnels.

Par ailleurs, nous animerons bientôt des modules de formation avec FONCIA à destination de jeunes agents immobiliers, sur des problématiques plus générales d'urbanisme, et profiteront également de cette opportunité pour leur exposer notre point de vue sur la densification à la verticale.

En effet, nous croyons qu'en vulgarisant la surélévation, les blocages seront de moins en moins présents et qu'ainsi de nombreux beaux projets verront le jour. 
 
Il risque d'y avoir sur les prochaines années pas mal de développement sur le sujet de la surélévation, il faut donc se retrousser les manches et continuer à travailler. La persévérance finie toujours pas payer, n'est-ce pas?!
 
Continuez à nous suivre....
 
                                                                 
 
 
 
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